_____________✍🏻 Texte créatif inspiré de la photo de @fabchap
modèle: @justeyoga
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Sans un mot, elle avale d’une traite le fond de son expresso. Elle tourne autour de lui, attrape ses clés et son manteau. Les regards complices ont fini par céder la place aux sourires factices, et le cliquetis de la porte résonne, dans le silence étourdissant de la cage d’escalier. Affublée d’artifices, désormais, chaque jour, elle se rend au « bal masqué », sans son rouge à lèvres fétiche. Les yeux rivés sur ses bottines de pluie, hors de prix. Elle accélère le pas, bousculant au passage une ombre sur le trottoir. La pluie battante vient frapper ses joues, déjà rougies par la fraîcheur d’un de ces matins, où le jour semble encore dormir. L’inclinaison de son visage est le miroir direct de l’inclinaison de son coeur, alourdi par la grisaille de ce temps maussade. Ses talons claques contre le macadam, laissant apparaître au loin la cadence de ses semelles vermeilles, qui semblent danser et sautiller entre flaques. Ce chemin, elle l’a emprunté tant de fois. Perdue dans ses pensées. Il n’existe pas de plus grande bataille, que celles que l’on mène en silence et à contre-coeur. Il n’y a pas de plus grande perte, que celle de s’être perdu soi-même. Piégée derrières les glaces des écrans, miroitants faux-semblants et sourires en plastique. Balayés par la force du vent, qui s’engouffre sur le quai, à l’arrivée du train, ses cheveux recouvrent son visage, puis tournoient, comme s’ils erraient sans aucun but. Juste un instant, et elle est là, assise, assoupie contre la vitre de ce train, qui l’emmène, chaque matin entre les tours de béton et d’acier, où elle descendra au terminus. Elle est gagnée par le rêve, qui l’emmène flotter et naviguer sur des eaux calmes, au milieu de nulle part. Dans le juste équilibre, la lumière du soleil rase et illumine son corps tout entier. Elle est là, simplement là. L’instant la saisit. Embrassée par des parfums d’autrefois, elle sent le souffle chaud du soleil, qui se lève et caresse sa peau encore mouillée. Elle est là, sans attribut, dans la certitude de s’abandonner totalement à ce moment magique. Dans la certitude d’appartenir pleinement à cet amour idyllique, où le verbe « être » à voler la place du paraître au palmarès de la vie. Au détour d’un soupir, elle se fait une promesse, celle d’incarner ce rêve…
©tous droits réservés, Fanny Gigon, http://www.serenitycreativesoul.com